La Marque Jaune, pour les amateurs de BD, et en particulier pour les collectionneurs des années cinquante où les Editions du Lombard et les Editions Dupuis se battaient pour pénétrer les marchés francophones, reste d'un souvenir mémorable. A tel point que l'on ne saurait se contenter de celui-ci, mais que l'on souhaite le retrouver au moins une fois par an. Et à chaque fois avec le même plaisir.
Aventure à Londres, dans le milieu qu'affectionnent et que même habitent nos deux lascars, Blake et Mortimer. Où une poursuite dans les docks qui nous offre sa nuit, son brouillard et son lot d'angoisse, nous a tenu en haleine en ces temps fabuleux où l'on se nourrissait de bandes dessinées avant tout autre chose, laissant loin derrière les albums enfantins que l'on nous aurait volontiers proposés. On était en culotte courte, mais on voulait néanmoins du solide. A cet égard Edgar P. Jacobs était un maître, qui ne traita jamais ses jeunes lecteurs par dessous la jambe, les considérant même comme de solides lurons intelligents et aptes à comprendre les théories fameuses qu'il mettait sur pied. Il ne ménagea pas sa peine. Il eut même, le pauvre, à subir les foudres de ses éditeurs. A tel point, et c'est lui-même qui le dit, qu'il dut hâter la fin de son histoire sous peine de se voir interdit de publication. Quel mépris pour son génie, et quelle pitoyable considération pour une histoire qui sortait du lot. Adulte. Fantastique. A tel point que nombre d'enfants, dans les cours d'école, se permettaient de tracer sur le sol de grandes Marque Jaunes à la craie! C'est dire l'intensité d'un récit quii n'aurait vieilli que par des récitatifs un peu trop longs ici ou là. Mais c'est du Jacobs. C'est son style. C'est sa marque de fabrique. Et naturellement on lui pardonne.
On lui pardonne tout et on le lit et le relit. Bonne lecture à vous aussi si vous empoignez comme on le souhaite, une Marque Jaune de derrière les fagots. Quelle fameuse soirée vous allez passer!
