Nous étions sur la sommité de Châtel, et ce que nous pouvions voir, là-bas, en direction du Mont-Tendre, perdu avec ses pâtures attenantes au milieu d'un massif énorme de forêts de sapins, c'était le chalet de Risel
Nous montâmes longtemps pour tomber soudain sur une cabane et puis bientôt sur le chalet lui-même, Risel. Il est de plan rectangulaire, avec une particularité, celle d’avoir des chenaux mobiles, c’est-à-dire qu’à l’automne on peut les rabattre sous l’avant-toit en prévision de l’hiver et des neiges glissant des tôles qui pourraient les emporter. Nous admirâmes la bâtisse, encore qu’elle n’avait, mis à part cette singularité, rien d’extraordinaire. C’était là cependant un chalet inconnu que nous découvrions et que nous voulions garder en une image précise. Je fis des photos. A ce moment passa du monde plus haut, dans les pâturages, groupe allant d’un bosquet à l’autre, avec une seule tache de couleur, une veste bleue, pour se révéler dans ce paysage immobile, blanc et gris. On s’en rendait compte soudain, l’hiver, le plus imperceptible déplacement ou une tache qui tranche sur l’uniformité du terrain, peut être visible à des kilomètres à la ronde. Je repensai aux Indiens, là-bas, autrefois, sur cet autre continent et dans leurs montagnes, aussi l’hiver, tapis, l’œil aigu, attentifs à tout bruit et à chaque mouvement que pourraient faire d'autres hommes, même à grande distance.