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89. Emile Rochat dit Femil, de la grande famille des Pantalons (1884-1964?)

Publié le 09 octobre 2011 dans Les grandes figures combières d'autrefois

Emile, en ses belles et jeunes années, faisait du vélo. Combien de fois a-t-il fait le tour de la Vallée avec son bicycle de luxe?

    Un phénomène, que cet Emile. On le connut bien de ce qu'il allait souvent trouver notre père à la laiterie sise à deux pas de sa grande maison qu'il trouvait un peu trop vide pour y rester à journée faite, même qu'il y avait sa soeur la Jeanne. Alors il allait acheter son pain et puis il passait à la laiterie où mon père fabriquait. Et l'Emile, alors, il se mettait au bout de l'enrochoir et entamait une conversation qui n'avait rien d'excitant, phrases languissantes dans lesquelles il y avait beaucoup de hum! hum! Mais enfin, on n'aurait jamais du prendre à mal cette présence. Puisque cet homme représentait au village même le dernier maillon d'une famille qui avait eu ses heures de gloires. Et puis, ce qu'il disait, n'était pas insensé, seulement sans saillies particulières. Mon père répondait, vaguement quand il était affairé à sangler ses vacherins, par exemple.
    J'en étais certain, dans le fond, Emile dit Femil, ou Emile feu Charles, comme il en parlait à la maison, souvent, il l'emmerdait, avec ses vieilles histoires, mon père.  Mais Emile, Gaston, le laitier, chez lequel autrefois, quand il avait encore un domaine, il allait livrer son lait, il l'aimait bien. C'était par ailleurs l'une des rares personnalités au village avec laquelle il pouvait parler. Alors voilà, il venait souvent le trouver pour lui tenir la jambe, comme on dit. Il avait toujours les mêmes habits, une vareuse grise noire qui sentait bon le vieux, et des pantalons de flanelle de même couleur.
    Un homme hors du temps. Un homme d'une autre génération. Un homme qui n'allait pas tarder à disparaître, emmenant avec lui tous les secrets de sa famille. Et Dieu sait s'il y en a, des secrets, dans les familles!