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87. Les pipatsô.

Publié le 31 mars 2015 dans Vie quotidienne à la Vallée de Joux

Le fumeur, peinture hollandaise.

    C'est-à-dire ceux qui fument. Ils le firent déjà dès le XVIIIe siècle et n'étaient pas toujours aussi prudents qu'on aurait pu le croire au vu de leurs maisons et villages tout en bois. On en vit même fumer en grange, chose gravement répréhensible et passible d'une forte amende. 
    On prit donc cette très mauvaise habitude déjà il y a pas loin de trois siècles. Il est évident que tout ce que l'on fumait à l'époque n'était pas très serré, et que donc le mal était quelque peu moindre. On fuma la pipe en premier, et puis vinrent cigares - affreux ce que cela sent mauvais! - et les cigarettes, devenues des sèches, puis bientôt des clopes. 
    D'aucuns n'aimaient pas la fumée, mais par contre goûtaient avec délectation au tabac chiqué. On devine la couleur de leurs crachats, à ces vieux dégoûtants! Il est très certain que dans les restaurants qu'ils fréquentaient, il y avait le crachoir avec de la sciure. Tout comme dans les bons westerns, où l'on envoie une giclée dans le récipient juste avant de dégaîner et de dégommer l'un ou l'autre de ces affreux bandits qui écumaient villes et campagnes. 
    D'autres encore, hommes ou femmes, prisaient, c'est-à-dire se mettaient dans l'une des deux narines une certaine quantité de tabac. On ne voit pas tellement l'avantage, mais laissons ces braves gens à leurs goûts et habitudes qui, finalement, se sont perdues au profit du seul usage du tabac à fumer. 
    Pour cette question de priser, cela par la gente féminine aussi bien que par la gent masculine, Auguste Piguet écrit ceci: 

    "Il y a un siècle, les fdèles de l'église du Sentier trouvaient dur d'écouter le prêche une heure durant sans se bourrer le nez de tabac. Le pasteur eut pitié de leur souffrance. D'entente avec le Conseil de paroisse, il fut décidé de concéder une pose de quelques minutes au milieu de l'office. Le président du conseil sortait de sa poche une belle tabatière d'argent. Le pasteur ne tardait guère à s'apercevoir du signe, finissait sa période et s'asseyait. Alors la plupart des assistants étalaient sur leurs genoux de grands mouchoirs rouges ou jaunes. Les tabatières circulaient le long des rangées, chacun cherchant à offrir une prise à ses voisins de siège. Les nez une fois réconfortés et la série terminée, les piou, piou, piou, mouchoirs et tabatières disparaissaient dans la profondeur des poches et M. le Ministre reprenait son discours". 

    Il n'y avait donc pas rien que la religion, et le petit vice des paroissiens et paroissiennes, ne les empêcherait d'aucune matière de monter au ciel à l'instar des austères qui se refusaient tout plaisir de ce genre!