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78. Conception populaire et sens de l'histoire.

Publié le 31 mars 2015 dans Vie quotidienne à la Vallée de Joux

Albrecht Dürer.

    Il est bien difficile, rétrospectivement, de sonder la tête de nos anciens et de savoir ce qui réellement les agitait, tant  au point de vue religieux que philosophique. Quel est notre rôle ici-bas, voilà la question que l'homme s'est toujours posée sans pouvoir y répondre. Et pas plus aujourd'hui que hier. 
    En fait, la pensée des prédécesseurs nous échappera toujours, et même qu'il reste quantité d'écrits divers. Mais la plupart sont ceux où la réflexion ne porte pas sur le sens de l'existence. Ce sont des écrits plutôt d'ordre pratique, des comptes-rendus de sociétés, des procès-verbaux de municipalité. D'autres documents, comme les correspondances privées, donnent plus d'informations, non seulement sur la vie de tous les jours, mais aussi sur ce que les gens pouvaient penser. Mais il faut savoir lire entre les lignes, car il est très rare, par une pudeur sans doute excessive, que l'on traite de sujets touchant à la destinée humaine. Juste sait-on faire intervenir le Seigneur de manière régulière. Que Dieu te garde, que Dieu veille sur ta santé et celle des tiens. Que Dieu te vienne en aide. Ou tout simplement qu'il vienne à notre propre secours, alors que l'on  se débat dans les pires difficultés et qu'en plus le terme de notre route n'est pas loin. 
    Au-delà de cette manière de réfléchir, toute chrétienne, que pensait-on de sa propre existence, de son sens, par rapport aux difficultés d'un  travail journalier, de sa situation sociale ?  Qu'envisageait-on pour l'avenir des siens, et puis des enfants des siens, et de leurs petits-enfants, et ainsi, de génération en génération, jusqu'à dans cinq cents ans ou mille ans ? 
    Il est plus que certain que l'on n'allait pas si loin. Que l'on croyait à la pérennité des choses dans laquelle sa propre vie s'inscrivait. On avait une tâche à accomplir, il fallait le faire le mieux qu'il était possible, et puis après à Dieu vat, ce qu'il adviendrait ne nous concernerait plus. 
    Mais l'un dans l'autre, les grandes questions qui pouvaient agiter nos anciens, on ne les sait pas. On ne les saura jamais. L'histoire peut toucher aux conditions de vie mais en aucun cas à ce que l'homme de tous les jours, celui surtout qui n'écrit pas, car il ne savait pas le faire,  pouvait penser. Il existait pourtant, il réfléchissait, il parlait, il avait conscience de son individualité. Il était partie d'une communauté certes, mais il était lui quand même. Et pourtant, voilà le drame de celui qui se mêle d'histoire, ce qu'ils pensèrent, eux tous, on ne le saura jamais. A moins peut-être que les pierres ne parlent, ou mieux encore, que tous ceux-là, que toutes celles-là, ressuscitent d'entre les morts et viennent enfin nous dire ce qu'ils avaient dans la tête!
    Serait-on étonné ?  

VOICI QUE LA SAISON DECLINE (Victor Hugo)

Voici que la saison décline,
L'ombre grandit, l'azur décroît,
Le vent fraîchit sur la colline,
L'oiseau frissonne, l'herbe a froid.
Août contre septembre lutte ;
L'océan n'a plus d'alcyon ;
Chaque jour perd une minute,
Chaque aurore pleure un rayon.
La mouche, comme prise au piège,
Est immobile à mon plafond ;
Et comme un blanc flocon de neige,
Petit à petit, l'été fond.

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