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6. Ils prennent le chemin de la montagne.

Publié le 21 juin 2013 dans Mémoires de bergers

Dès la sortie du village, c'est la route des alpages qui s'ouvre toute grande devant eux...

    Lui, Christe Bongarde, originaire de Rougemont, dans le Pays d’Enhaut,  il avait lui aussi revêtu ce jour-là son bredzon brodé. Il était descendu du chalet le matin de bonne heure pour préparer les bêtes au village où l’on compléterait avec le troupeau venu d’en bas. Et c’est de là, une fois que tout fut prêt, qu’il partit, qu’il se mit à l’avant du troupeau. Quelle journée. Et quelle fierté. Regardez-le donc, Christe le berger. Il hèle, il huche, il ioule, et cela retentit jusqu’aux plus lointaines maisons du village. Ils sont partis. Il fait quelques pas puis se retourne pour voir si on le suit, bêtes et gens. Alors il reprend la route pour renouveler ses huchées qu’il vous envoie mieux que personne, un truc, quand tu l’entends, à te tirer les larmes des yeux. C’est un vieux folklore qu’il porte en lui, Christe Bongarde, c’est le pays, le vieux pays, ce sont des coutumes et des modes de faire issus d’antiques époques dont on va bientôt perdre la trace. Mais pour l’heure il y a le lien, les choses subsistent, perdurent. Le passé revient au grand jour pour se faire admirer. Quelle journée ! Il n’y en a pas de plus belle. On marche avec le troupeau, devant, sur les côtés, derrière, adultes et enfants. On court pour rattraper les plus folles des bêtes allant dans les champs en fleurs, les piétinant pour y laisser bientôt de larges traces, charrette, que vont dire les propriétaires ? Quelle excitée, hommes et bêtes mêlés. Et aujourd’hui notre berger n’est pas seul. L’ensemble des gens qui l’accompagnent lui fait une immense famille.