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63. Les Baudat de La Sarraz, affineurs de père en fils.

Publié le 06 décembre 2012 dans Fichier des affineurs

Aimé Baudat, le doyen des affineurs en 1980.

    Il faut savoir que dans le métier, parfois on manquait de marchandise, que ce soient des vacherins affinés, ou des blancs. De ce fait on était amené à se rendre chez le collègue et concurrent, bien entendu, pour s'approvisionner alors que lui-même en cette période-là avait un surplus de production.
    Descendre chez Baudat de la Sarraz, c'est une bonne demi-heure. On laisse le véhicule directement devant  la laiterie où l'on retrouve toute la saga, Raymond Baudat et Madame, belle blonde très soignée, que fait-elle donc dans un milieu où tout de même ça ne sent pas la rose mais le fromage à plein nez, en l'occurence le vacherin,   le fils, et même, là-bas dans la cave, l'ancêtre, le fondateur, Aimé Baudat, qui était alors considéré comme le plus vieil affineur de toute la corporation.
    C'était toujours un plaisir que de rencontrer cet homme d'une ancienne époque, c'est-à-dire celle héroïque du vacherin, quand l'on affinait sur planchettes et sur pendants. Il soignait. Même tenue, exactement, que celle de notre père qui était lui aussi laitier. Dans le fond les deux hommes se ressemblaient, et c'est pourquoi il nous était si facile d'engager la  conversation et de trouver un terrain sur lequel nous aurions pu discourir une journée entière: le vacherin! Non pas un simple produit, le culte! Parce que le vacherin, il vous tient du matin au soir sans vous lâcher une seule seconde. Il nécessite des soins attentifs, il faut l'emboîter, il faut recevoir les commandes, des clients pas toujours contents, il faut aller le livrer. Et parfois même, comble des vicissitudes de ce métier sur lequel on pourrait s'étendre encore longtemps - ce que nous ferons, par ailleurs! - il fallait prendre en retour un certain nombre de ceux-ci qui n'auraient pas eu trop belle figure. Ces salauds de grossistes,  ils ne savaient pas s'en occuper, ils n'y connaissaient rien, juste attentifs à les inonder afin  qu'ils ne perdent pas trop de poids!
    Et tout cela, Aimé Baudat, le doyen des affineurs, il l'avait connu. Il en avait vu d'autres, des vertes et des pas mûres. Mais il restait fidèle au poste. Dans le fond, on peut le supposer, qu'il meurt un jour entre deux pendants et qu'on l'emboîte pour son dernier voyage,  c'aurait pu être son désir le plus cher!