Il faut les suivre, ces vieux chemins, et même si parfois ils ne mènent plus nulle part...
Des mousses aujourd’hui caressent le vieux chemin. Et le pas s’enfonce dans les mousses, silencieux, léger. Un pas aérien. Le soir descend sur la forêt. Je ne m’imagine pas des passés plus dorés qu’ils ne le furent. Ainsi je vois ici des attelages et des chevaux. La fatigue de ceux-ci, qu’en fait-on ? Et quand ils en ont marre et marre, mais ils ne savent pas le dire, comprend-on ? Jamais. On dit hue, allez, avance, charogne de bête. Le cheval est là pour servir. A chaque jour il vous doit sa peine. De lassitude point. De faiblesse moins encore. Ce n’est pas un animal, c’est une machine. Il faiblit, on le tue. Et on le proclame haut et fort : il n’a pas d’âme. Mais voilà, après l’avoir dit, aussitôt l’on meurt. Alors l’âme de l’homme et celle du cheval, car il en a une, s’envolent ensemble. Elles vont là-haut où il n’y a pas de traces blanches dans le ciel. Le ciel est immense, plein de lumière et de silence, un ciel pur, inviolé. Ce n’est que d’aujourd’hui qu’ils y sont montés pour le salir, droit au-dessus des arbres et des mousses et du vieux chemin, le tout silencieux parce que c’est le soir.