Henri Tanner, auteur apparemment bien connu en Suisse romande, donne, dans "Fantaisie jurassienne", texte paru dans la Semaine littéraire du 9 octobre 1926, une très belle évocation, et même si elle ne correspond peut-être pas à la réalité, de Mme de Staël montant au chalet des Biolles, propriété de sa famille, prendre des cures de lait! Ainsi:
"Je pénètre dans cette maison où l'auteur de Corinne venait faire une fois l'an sa cure de lait. Dans la vaste pièce où ronfle le feu sous le chaudron plein de lait, un berger aux yeux bleus comme ceux des poupées, me reçoit en roulant une cigarette. Ce jeune vacher, dont les pantalons sont maculés de fumier, ne connaît de Mme de Staël que le nom bizarre et peu vaudois. Il me montre la chambre de la patronne, une sorte de petite cellule, prenant jour par une fenêtre grillée et où règne une alpestre senteur de lait, de linge sale et de tabac. Sur une table peut-être historique, un réveil-matin mesure le temps auprès d'un couteau militaire planté dans le bois. Dans l'ombre s'étale un lit qui fait songer au vaisseau fantôme dont la cargaison de paille s'échapperait de la cale. Ce n'est sûrment pas le lit de Corinne, mais c'est égal, Mme de Staël a vécu dans cette chambre, partageant ses loisirs entre le lait et la littérature".
Mais comment vivre dans la chambre d'un chalet construit en 1818, et être décédée en 1817 ? Tel est une situation qu'il appartiendra peut-être au lecteur de clarifier.