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37. Valais de toujours, texte de Maurice Métral, photos de Philippe Schmid.

Publié le 22 octobre 2017 dans Littérature

Le Valais traditionnel...

    La collection "Trésors de mon pays", dont les quelque cent-cinquante titres se retrouvent encore assez facilement aujourd'hui dans les brocantes et dans les librairies anciennes, pourrait paraître quelque peu désuète, avec des productions relativement communes.     
    Ce n'est là que l'apparence. Car en réalité ces publications d'aspect modeste, avec un dessin de couverture qui n'est jamais vraiment percutant, possèdent non seulement du charme, mais sont aussi  bien éditées. Et qui plus est elles offrent un texte toujours de qualité et des photos au moins égales et imprimées selon le fameux système de l'héliogravure dont nos imprimeurs suisses avaient la maîtrise absolue. Que de chef-d'oeuvres dans cette technique, que ce soit dans cette collection, à la Guilde du Livre, chez Marguerat, chez Payot, bref, chez tous ces grands noms de notre édition ancienne dans laquelle l'amateur de livres fera toujours des découvertes fascinantes. On s'en délecte.   
    Combien de livres sur le Valais ? Des centaines sans aucun doute. Certes, on y traite souvent des mêmes sujets: Sion, Valère et Tourbillon, Saillon, les sommets, les bisses, les combats de reines, les vignes, la culture en plaine, le Rhône, bref, tous ces aspects de ce canton que chacun connaît. Mais en tout cela, puisqu'il s'agit d'une époque révolue, transparaît encore un Valais  traditionnel où ces choses que l'on évoque sont prises dans une réalité qui n'existe plus, ou tout au moins que d'une manière ténue.     
    Valais donc traditionnel, tout empreint d'une religion pratiquée avec ferveur. Les coutumes sont encore dans leur parfaite vigueur. Les villages gardent leurs structures d'origine où vaquent à leurs activités quotidienne petits éleveurs et paysans, artisans du bois et autres.     
    Certes, on le découvre tout à coup entre deux pages, apparaissent les travaux gigantesques menés pour la construction les bagages. C'est monumental. Le béton rivalise avec la pierre des montagnes, des alpages disparaissent sous les eaux.     
    On comprend alors  par ce type d'ouvrage, qu'un pays évolue et que bientôt la plupart de ces traditions, mais plus encore de ces villages, vont disparaître sous le poids de ce même  béton.     
    Métral est un auteur d'une prolixité redoutable, avec à son actif pas loin de septante ouvrages, presque tous consacrés au Valais. Et dans la longue liste que l'on peut découvrir sur Wikipédia, "Valais de toujours" semble avoir échappé au recenseur. Et pourtant, quel beau texte. L'auteur monte à son village natal et y retrouve un oncle avec lequel il discute de la marche du monde, et en particulier de celle de leur canton qui à leurs yeux semble évoluer plus vite qu'il ne le devrait. On quitte, c'est en 1962, l'univers ancien et traditionnel encore incarné il est vrai par les vieux de la vieille, et même plus encore par les vieilles qui les accompagnent, pour aborder un environnement résolument différent. Et que faut-il penser de ce changement profond et irréversible, s'interrogent ces deux hommes assis derrière une table à boire un verre pour se donner de l'allant en même temps que d'aller au plus profond de leurs pensées. L'un garde pied dans le passé, tandis que l'autre, entre deux univers, s'interroge plus encore sur l'avenir. Y aura-t-il du bon, rien que du bon, est-ce trop optimiste que d'y croire sans arrière-pensée ?      
    Dans tous les cas on sait que la vie à l'ancienne n'est plus possible. Elle était trop dure. Plus personne n'en veut. Et surtout pas les nouvelles générations qui dans l'ensemble sont descendues dans le fond de la vallée pour aller y grossir la population de Sion, Sierre, Martigny ou Brigue. A la montagne, on y remontera certes encore, mais ce ne sera plus pour le travail quotidien, plutôt pour les loisirs, la promenade, et il est formidable de gravir ces belles montagnes, ou le ski, qui soudain est devenu un plaisir de premier ordre pour ceux qui le pratiquent, et une mine d'or pour ceux qui en vivent. Il s'agit parfois d'autres gens qui ont senti le vent tourner  et on acheté là-haut tout ce qu'il faut pour promouvoir cette nouvelle industrie.     
    Métral a une sensibilité immense. Il écrit comme un chef. Il a un pouvoir évocateur étonnant. Le Valais, où il est né, où il a vécu, dont il a compris la dureté des temps, n'a-t-il pas été charpentier, son métier de base, sur le chantier de la Dixence, il le connaît  dans sa fibre tout autant que dans son âme. Il l'aime, cela va sans dire. Et cet amour, immense, il le communique dans un texte en apparence anodin, car que sont une vingtaines de pages parmi les dizaines de milliers ou même centaines de milliers qui se sont écrites sur ce petit pays.     
    En résumé, et pour nous éloigner quelque peu de ce seul Valais, collectionnez d'urgence la série Trésors de mon pays. C'est là une collection unique, par sa qualité littéraire, par le formidable pouvoir évocateur des photos, et par la sympathie qui se dégage de toutes ces pages où nos grands écrivains romands y sont dignement représentés, à moins que l'on ne parle d'eux comme vrais monuments de ce que l'on nommait autrefois: notre Patrie. 
    Parmi ceux-là, qui ne le devinerait pas: Rousseau et Ramuz!