Une chambre de chalet a toujours un charme immense, et cela malgré la vétusté courante et ordinaire des lieux.
Et dans le chalet, il n’y eut longtemps rien qu’une chambre, celle-ci construite au début du XIXe siècle, tandis que plus anciennement il n’y en avait pas et que les bergers étaient obligés de se coucher sur des feuilles mortes directement à même le plancher de l’écurie. Mais voilà, on se modernisait, puisque ailleurs on le faisait aussi, que le branle était donné pour l’amélioration des conditions de vie dans les alpages. Mais attention, les changements ne seraient pas brutaux, ni ne se feraient partout de la même manière. Le temps est long, dans les chalets. Et les mœurs alpestres n’y évoluent pas de manière insupportable comme il peut advenir dans les bas où l’homme est pris de folie. On ne vous cupesse pas tout d’un jour à l’autre. Il est vrai quand même, en ce qui concerne l’arrêt des fabrications de fromage, dans toute la région, qu’il fut relativement brutal. On peut même dire qu’en une douzaine d’années, ce fut dès après la dernière guerre, les deux tiers des alpages cessèrent de fabriquer, et que le lait désormais, parce qu’aussi les routes et chemins avaient été améliorés et que l’on utilisait de plus en plus de véhicules à moteur pour se rendre ici ou là, fut amené matin et soir dans les laiteries de village qui s’étaient agrandies en conséquence. On brassait autrefois les premiers cent mille litres par année, tandis que maintenant on parlait du demi-million, et même pour les grands centres, du million et plus. Quel chamboulement. Le nombre et la grandeur des chaudières avaient cru en conséquence. Ce n’était plus le même monde, tandis que là-haut, les grandes équipes se faisaient plus rares, et que dans bien des chalets, il n’y avait plus guère qu’un garde-génisses pour s’occuper du bétail, uniquement du jeune, mis à part peut-être une laitière pour l’alimentation de ces pauvres bougres vivant à l’écart de la société. Pauvres bougres peut-être, mais philosophes, et surtout comprenant la nature comme d’autres ne pourraient jamais l’appréhender. Ils y vivaient au cœur, ils l’accompagnaient et bien entendu, ils s’attristaient quand on la profanait, ce qui, il semble, était de plus en plus courant, la plupart des gens complètement déconnectés, qu’on pouvait se dire, et surtout ces bétonneurs que l’on ne rassasiera jamais.