Quand il devient difficile de pénétrer dans le chalet.
Après des mois d’indifférence, j’y étais enfin remonté. La neige était lourde, subitement, après qu’elle ait été si légère qu’elle pesait à peine. En une nuit de vent chaud, et même, sans pluie, elle avait changé de structure, non pas tant en profondeur, mais sur au moins dix centimètres, ce qui rendait la marche lente et éprouvante et donnait, surtout dans les montées, des sabots sous les skis. Je me pris à repenser à la neige, et à me dire combien, en comparaison d’autres peuples du nord, notre connaissance en est limitée. Il paraît qu’ils utilisaient des dizaines de termes pour définir ses qualités, tandis que nous, nous n’en avons qu’une poignée. On dit par exemple : elle est lourde, elle est poudreuse, en gros sel au printemps, gelée, elle porte, elle est cartonnée, soufflée, fondante, collante, froide, guère plus. Tandis qu’eux avaient des termes plus appropriés qui désignaient instantanément un état avec une précision sans commune mesure avec nos approximations. Les vieux langages plus que celui que nous avions adopté, le français, étaient-ils plus précis, ou au contraire, moins encore pour ne parler que d’une neige lourde ou légère ? On dit encore qu’elle pisse l’eau, qu’elle est toute pourrie, ce qui signifie que lors de sa fonte, principalement par le soleil, elle se fuse pour s’effondrer sur elle-même et que l’on serait bien incapable désormais d’y skier.