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14. Jean-Jacques Rousseau, lettre du Valais, 1761

Publié le 17 février 2012 dans Littérature

Le pont Saint-Maurice, huile sur toile datée de 1812, par Pierre-Louis de la Rive.

    Ce n’était pas seulement le travail des hommes qui rendait ces pays étranges si bizarrement contrastés ; la nature semblait encore prendre plaisir à s’y mettre en opposition avec elle-même, tant on la trouvait différente en un même lieu sous divers aspects. Au levant les fleurs du printemps, au midi les fruits de l’automne, au nord les glaces de l’hiver : elle réunissait toutes les saisons dans le même instant, tous les climats dans le même lieu, des terrains contraires sur le même sol, et formait l’accord inconnu partout ailleurs des productions des plaines et de celles des Alpes. Ajoutez à tout cela les illusions de l’optique, les pointes des monts différemment éclairées, le clair-obscur du soleil et des ombres, et tous les accidents de lumière qui en résultaient le matin et le soir ; vous aurez quelque idée des scènes continuelles qui ne cessèrent d’attirer mon admiration, et qui semblaient m’être offertes en un vrai théâtre ; car la perspective des monts étant verticale frappe les yeux tout à la fois et bien plus puissamment que celle des plaines qui ne se voit qu’obliquement, en fuyant, et dont chaque objet vous en cache un autre.                                                                             Jean-Jacques Rousseau