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135. Ce que dit l'arbre de Noël.

Publié le 10 février 2015 dans Contes et récits de notre pays de Joux

Un petit peu moderne peut-être...

    Ce n'est pas à proprement parler un conte, c'est bien plutôt l'une de ces tranches de morale que l'on aimait tant à asséner aux enfants autrefois, en leur bourrant leurs souliers autant de petits Jésus que de cadeaux, et où surtout l'on ne craignait pas la saturation, encore et encore. Jusqu'à plus soif. 
    Cette histoire, mise en page par Félix Bungener, en partie peut-être grâce à des contes liés au sapin de Noël qui couraient déjà le monde, fut publiée en 1859 par les Editions Bridel à Lausanne. Elle reste intéressante parce que malgré tout le fatras moralisateur  qui l'accompagne, elle fait état de l'arbre de Noël et que celui-ci semble déjà bien implanté dans nos régions. 
    1859. Ce ne sont certes pas là les débuts de cette coutume d'aller chercher un arbre dans la forêt, un sapin de préférence, les jours qui précèdent Noël, de le décorer et puis d'y mettre des bougies. Divers écrits font état de la première apparition de l'arbre lors des fêtes de la nativité, et cela à Lausanne, en 1831. Plus anciennement encore, en 1813 à Yverdon, où, par une lettre adressée à ses parents, un pensionnaire  de l'institut Pestalozzi, raconte une fête de Noël où il y a déjà l'arbre:

                                                               Yverdon, le 6 février 1813
    Mes chers parents,

    Je veux à présent vous écrire la description de Noël, du nouvel an et de l'anniversaire de Mr. Pestalozzi, comme je vous l'ai promis dans ma dernière lettre. La veille de Noël, nous avons été à la salle de prière comme l'autre année; il y avait au milieu de la chambre un grand sapin, qui était tout illuminé et où pendaient différentes choses; dans le fond de la chambre, etc... 

    On le voit donc, Yverdon précéda Lausanne, et bien entendu, c'est à n'en pas douter, la Vallée de Joux où l'arbre put être connu au milieu du XIXe siècle. 
    Apparut-il aux Mollards des Aubert peu après, puisque c'est dans la bibliothèque de la vieille bâtisse que fut retrouvé le petit opuscule que vous pourrez lire ci-dessous. C'est que là-haut, et même qu'on était religieux jusqu'au bout des ongles, et austère à un point que l'on n'imagine plus, il se peut qu'ils aient quand même, ne serait-ce que pour les enfants, opté pour cette nouvelle coutume venue d'Allemagne:  couper un arbre en ces jours de décembre, le mettre dans la pièce où l'on se tient, et enfin le décorer de différentes manières, celles-ci ayant pu évoluer au cours des âges. 
    Un sapin dans la maison des Mollards. Simple supposition, bien entendu. Mais voilà de quoi réjouir cette grande et très prude maison où les lectures ne concernent pratiquement que des livres religieux où leur nombre égalait bien ceux que pouvait contenir une bibliothèque de village, si même il ne le dépassait pas! 
    On prendra donc ce petit opuscule comme une pièce véritablement historique, qui prouve de manière certaine qu'en ce temps-là, légèrement après le milieu du XIXe siècle, la coutume de l'arbre était bien établie. Et que l'on ait voulu tout ramener au petit Jésus, n'empêcha jamais les enfants de lorgner plutôt les cadeaux et ces mille choses qui pendaient aux branches de l'arbre. Si beau. Si chaleureux. Et bien entendu, auraient énoncé certains prédicateurs pour lesquels la rigueur la plus absolue était la seule voie possible en notre existence humaine, si païen!