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21. Elastique, collant et acide

Publié le 21 décembre 2011 dans Pour une histoire du vacherin Mont d'Or pas plus triste qu'il ne le faut!

Bürki persiste et signe. 24 H. du 30 octobre 1986

   Le nouveau vacherin avait déjà fait apparition à la fin de 1985. On laissait cependant les technocrates ordinaires plus ou moins en paix, acceptant que l'on puisse tout de même mettre quelque temps avant de trouver la formule idéale en fait de cultures.
    Pour les consommateurs de la nouvelle saison 1986-1987, la patience aura été fortement entamée. On crie au scandale devant la marchandise présentée, comme le dit notre titre, propos issus de la Chronique agricole d'un journal romand, "élastique, collant et acide". C'en est trop, les gastronomes clament haut et fort que l'on a assassiné leur vacherin. Et les journalistes d'en remettre une couche: Crémeux et onctueux, un leurre - Romandie, réveille-toi! - Manifestez votre mécontentement - La bavure -, etc...
    Que faut-il penser de cette fronde gastronomique ? On déguste. Ainsi Michel Vidoudez, Catherine Michel, Roland Pierroz et Fredy Girardet s'assemblent, goûtent à une  kyrielle de vacherins et déclarent: "Une immense déception: sur la quinzaine de fromages dégustés, pas un seul de bon".
    Paraissent à la suite des articles par dizaines, voire même par centaines dans tous nos journaux romands pour dénoncer ce que l'on considère comme un pur assassinat gastromomique.
    Que faut-il penser rétrospectivement de cette situation ? Simplement que ce mécontentement, au vu de nos propres dégustations, n'était pas injusfié. La Centrale du vacherin Mont d'Or, voulant ne pas perdre la face, prétendait que c'était un combat d'arrière-garde,  tout en cherchant tout de même à améliorer les cultures proposées. Celles-ci, de mois en mois, le furent réellement pour arriver enfin à ce stade où elles permettaient  de retrouver, non le vacherin d'antan, ne rêvons pas, mais un bon vacherin dont la pâte, au final, fut même améliorée, plus régulière en général. Quant au goût, admettons que l'on retrouva environ le 80 % de ce qu'il était auparavant, 90 % pour les toutes bonnes cuvées.
    Il convient pour terminer cette présentation, de reproduire un encart intitulé "La bavure!":
    "Le vacherin Mont-d'Or, production artisanale vieille de cent cinquante ans, est mort. Celui que le fameux fromager français Androuet se plaisait à nommer "le plus grand fromage du monde" s'est transformé, sous l'effet d'une thermisation, en une pâte "élastique, collante, à l'acidification très marquée, au goût de yogourth ou de petit-lait".
    Nos clients nous trouvent idiots de ne pas oser détourner l'interdiction", déclare un des fromagers concernés, M. Pierre-Alain Baudat. Une vaste campagne s'amorce.
    Un appel est lancé à la Fédération romande des consommatrices, de nombreux laitiers sont prêts à faire signer des pétitions dans leur commerce. Romandie, réveille-toi, ton vacherin ne sera bientôt plus qu'un objet de musée!"